viernes, 9 de julio de 2021

marguerite yourcenar / siete poemas a una muerta









I

Cuando estaba por llegar, murió
Quien me esperaba, cansada de esperar.
Sus brazos abiertos volvieron a cerrarse
Legándome un remordimiento en vez de un recuerdo.

La plegaria, la flor, el gesto más tierno
Fueron regalos tardíos que nadie pudo bendecir.
Los muertos no escuchan a los vivos.
La muerte, cuando llega, nos junta sin unirnos.

Nunca conoceré la dulzura de su tumba.
Mis gritos, lanzados demasiado tarde,
Resuenan y se extinguen sin eco en la sorda eternidad.

Los muertos desdeñosos, forzados al silencio,
No nos escuchan llorar en el oscuro umbral del misterio
Por un amor que jamás existió.


II

He aquí la miel que fluye, pura, del corazón de las rosas,
El perfume, los colores, los suspiros amados.
Ya no sonríes por la belleza de las cosas;
Tus brazos, siempre abiertos y dispuestos, al fin se han
cerrado.

No volverás a sentir sobre tus párpados
El lento deshojar de largos sollozos perfumados.
Tu corazón se diluye en metamorfosis.
Yo llego, justo a tiempo, a perderte para siempre.

Como un triste extranjero, camino titubeante
Por el estrecho jardín donde otros contigo gozaron;
He aquí mis ojos, mis manos, mis pies que te buscaron.

Demasiado tarde llego... y me arrepiento.
Envidio a los que te amaron cuando aún vivías
Y supieron a tiempo que todo pasa.


III

Cuando debí acudir, sólo supe dudar;
Cuando debí llamar, callé.
Demasiado tiempo persistí en mi camino, solitaria;
Nunca imaginé que fueras a morir.

Nunca preví que fuera a secarse la fuente
Donde uno se refresca y se baña,
Ni supe que existieran en el mundo
Misteriosas frutas que maduran al morir.

Obstinada, siempre busqué en la ruta del sol tu sombra;
Ahora el amor es una palabra, el tiempo un número
Y mis penas chocan contra los ángulos de una tumba.

La muerte, menos indecisa, supo cómo acercarse a ti;
Si ahora piensas en nosotras, tu corazón debe
compadecernos.
Uno se ciega cuando muere una antorcha.


IV

Las estrellas son el fruto del verde ciprés
Balanceándose en la noche, al fondo del verano;
La vida única y desnuda a través de cien velos
Asume tu belleza para derramarse en todo.

El universo teje la eternidad
Y ensancha su tela como una araña monstruosa.
Tu amor, mi amor, nuestro corazón y nuestras médulas, Serán diferentes después de existir.

Pasamos medio dormidos bajo una inmensa puerta,
Para ganarlo todo nos perdemos en todo;
Una ola sin mañana nos arrastra y nos dispersa.

Los labios del corazón quedan siempre insatisfechos.
El amor y la esperanza nos fuerzan a soñar
Que el sol de los muertos otra vida ha de madurar.


V

La miel inalterable del fondo de las cosas
Está hecha de dolor, deseo y remordimiento;
Eterno alambique donde el tiempo destila
Las lágrimas de los vivos y la piedad de los muertos.

Tan inseparable es el perfume de la rosa
Como inseparable tu alma de tu cuerpo.
Una misma causa germina efectos idénticos
Y una misma nota vibra en mil acordes diversos.

El universo nos da y nos quita lo poco que somos.
Yo olvidaré cada día cuánto te amé
Pero tú no sabrás que mis lágrimas te amaron.

La muerte espera que nos acunemos en ella.
Arrullada en sus brazos, como una niña de pecho,
Escucho sonar el hierro de lo eterno.


VI

Sólo el silencio tiene palabras
Que pueden decirse junto a ti sin herirte.
Ante lo irremediable, sólo podemos sonreír;
Llueven sobre tu cuerpo las lágrimas de las corolas.

A la hora en que nos despojemos de nuestras máscaras
Deslizándonos soñolientas en el mismo lecho,
Por cada dedo tembloroso de la hierba que nos roce
Tú podrás bendecirme y yo acariciarte.

Es hacia tu dulzura que conduce mi camino.
De este suelo impregnado de alma humana,
El olvido, lento jardinero, extirpa el remordimiento.

Inagotable, vaga el amor de vena en vena;
No quisiera perturbar con un vano lamento
El eterno abrazo de la tierra y los muertos.


VII

Nunca sabrás que tu alma viaja
Dulcemente refugiada en el fondo de mi corazón,
Y que nada, ni el tiempo ni la edad ni otros amores,
Impedirá que hayas existido.

Ahora la belleza del mundo toma tu rostro,
Se alimenta de tu dulzura y se engalana con tu claridad.
El lago pensativo al fondo del paisaje
Me vuelve a hablar de tu serenidad.

Los caminos que seguiste, hoy me señalan el mío,
Aunque jamás sabrás que te llevo conmigo
Como una lámpara de oro para alumbrarme el camino

Ni que tu voz aún traspasa mi alma.
Suave antorcha tus rayos, dulce hoguera tu espíritu;
Aún vives un poco porque yo te sobrevivo.

***
Marguerite Yourcenar (Bruselas, 1903-Maine, 1987)
Versión de Humberto Saldaña Pico

/

Sept poèmes pour une morte 

*

I

Ceux qui nous attendaient, se sont lassés d’attendre,
Et sont morts sans savoir que nous allions venir,
Ont refermé leurs bras qu’ils ne peuvent plus tendre,
Nous léguant un remords au lieu d’un souvenir.
 
Les prières, les fleurs, le geste le plus tendre,
Sont des présents tardifs que rien ne peut bénir ;
Les vivants par les morts ne se font pas entendre ;
La mort, quand vient la mort, nous joint sans nous unir.

Nous ne connaîtrons pas la douceur de leurs tombes.
Nos cris, lancés trop tard, se fatiguent, retombent,
Pénètrent sans écho la sourde éternité ;
Et les morts dédaigneux, ou forcés de se taire,

Ne nous écoutent pas, au seuil noir du mystère,
Pleurer sur un amour qui n’a jamais été.


II

Voici le miel qui suinte au cœur profond des roses,
Les couleurs, les parfums et les souffles aimés.
Vous ne sourirez plus à la beauté des choses ;
Vos bras prompts à s’ouvrir se sont enfin fermés.
Vous ne sentirez pas, sur vos paupières closes,

Le lent effeuillement des longs pleurs parfumés ;
Votre cœur s’est dissous dans les métamorphoses ;
J’arrive juste à temps pour vous perdre à jamais.
Voici mes yeux, mes mains, mes pieds qui vous cherchèrent ;

Dans cet étroit jardin où d’autres vous couchèrent,
J’avance en hésitant comme un triste étranger.
Je vous rejoins trop tard… Je me repens, j’envie
Ceux qui, mieux avertis que tout est passager,

Vous montraient leur amour quand vous étiez en vie.


III

Je n’ai su qu’hésiter ; il fallait accourir ;
Il fallait appeler ; je n’ai su que me taire.
 
J’ai suivi trop longtemps mon chemin solitaire ;
Je n’avais pas prévu que vous alliez mourir.
Je n’avais pas prévu que je verrais tarir
La source où l’on se lave et l’on se désaltère ;

Je n’avais pas compris qu’il existe sur terre
Des fruits amers et doux que la mort doit mûrir.
L’amour n’est plus qu’un nom ; l’être n’est plus qu’un nombre ;
Sur la route au soleil j’avais cherché votre ombre ;

Je heurte mes regrets aux angles d’un tombeau.
La mort moins hésitante a mieux su vous atteindre.
Si vous pensez à nous votre cœur doit nous plaindre.
Et l’on se croit aveugle à la mort d’un flambeau.

 
IV

Le verger des cyprès a pour fruits les étoiles,
Balancés lentement au fond des nuits d’été ;
La vie, unique et nue à travers ses cent voiles,

Pour la répandre en tout reprend votre beauté.
Votre amour, mon amour, notre cœur et nos moelles,
Seront diversement après avoir été ;
Et, comme une araignée élargissant ses toiles,
 
L’univers monstrueux tisse l’éternité.
Le flot sans lendemain nous laisse et nous emporte.
Nous passons endormis sous une immense porte ;
Nous nous perdons en tout pour tout y retrouver ;

Mais les lèvres des cœurs restent inassouvies ;
Et l’amour et l’espoir s’efforcent de rêver
Que le soleil des morts fait mûrir d’autres vies.


V

Le miel inaltérable au fond de chaque chose
Est fait de nos douleurs, nos désirs, nos remords ;
L’alambic éternel où le temps recompose
Les larmes des vivants et la pitié des morts.

D’identiques effets regerment de leur cause ;
La même note vibre à travers mille accords ;
On ne sépare pas le parfum de la rose ;
Je ne sépare pas votre âme de son corps.

L’univers nous reprend le peu qui fut nous-mêmes.
Vous ne saurez jamais que mes larmes vous aiment ;
J’oublierai chaque jour combien je vous aimais.

Mais la mort nous attend pour nous bercer en elle ;
Comme une enfant blottie entre vos bras fermés,
J’entends battre le cœur de la vie éternelle.


VI

Voici que le silence a les seules paroles
Qu’on puisse, près de vous, dire sans vous blesser ;
Laissons pleuvoir sur vous les larmes des corolles ;
Il ne faut que sourire à ce qui doit passer.

À l’heure où fatigués nous déposons nos rôles,
Au même lit secret les dormeurs vont glisser ;
Par chaque doigt tremblant des herbes qui nous frôlent,
Vous pouvez me bénir et moi vous caresser.

C’est à votre douceur que mon sentier m’amène.
De ce sol lentement imprégné d’âme humaine,
L’oubli, lent jardinier, extirpe les remords.

L’impérissable amour erre de veine en veine ;
Je ne veux pas troubler par une plainte vaine
L’éternel rendez-vous de la terre et des morts.


VII

Vous ne saurez jamais que votre âme voyage
Comme au fond de mon cœur un doux cœur adopté ;
Et que rien, ni le temps, d’autres amours, ni l’âge,
N’empêcheront jamais que vous ayez été.

Que la beauté du monde a pris votre visage,
Vit de votre douceur, luit de votre clarté,
Et que ce lac pensif au fond du paysage
Me redit seulement votre sérénité.

Vous ne saurez jamais que j’emporte votre âme
Comme une lampe d’or qui m’éclaire en marchant ;
Qu’un peu de votre voix a passé dans mon chant.

Doux flambeau, vos rayons, doux brasier, votre flamme,
M’instruisent des sentiers que vous avez suivis,
Et vous vivez un peu puisque je vous survis.

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