domingo, 5 de agosto de 2018

philippe jaccottet / dos poemas













La voz

*

¿Quién canta ahí cuando toda voz se calla? ¿Quién canta
con esta voz sorda y pura un canto tan bello?
¿Será fuera de la ciudad, en Robinson, en un
jardín cubierto de nieve? ¿O es ahí, muy cerca,
alguien que no sospechaba que se le escuchase?
No nos impacientemos por saberlo,
pues no de otro modo precede al día
el pájaro invisible. Tan sólo permanezcamos
en silencio. Una voz sube y, como un viento de marzo
restituye su fuerza a los bosques cansados, nos llega
sin lágrimas, más bien sonriendo ante la muerte.
¿Quién cantaba ahí cuando se apagó nuestra lámpara?
Nadie lo sabe. Pero sólo puede oír el corazón
que no busca posesión ni victoria.

~~~

El ignorante

*

Cuanto más envejezco, más crezco en ignorancia,
cuanto más he vivido, menos poseo y menos reino.
Todo lo que tengo es un espacio alternativamente
nevado o brillante, pero nunca habitado.
¿Dónde está el dador, el guía, el guardián?
Permanezco en mi cuarto y de momento me callo
(el silencio, como un sirviente, viene a poner un poco de orden),
y espero a que las mentiras se aparten una a una:
¿qué queda? ¿Qué le queda a quien muere
que le impide morir? ¿Qué fuerza
le hace hablar aún entre sus cuatro paredes?

***
Philippe Jaccottet (Moudon, 1925)
Versiones de Rafael-José Díaz

/

La voix

*

Qui chante là quand toute voix se tait?
Qui chante avec cette voix sourde et pure un si beau chant?
Serait-ce hors de la ville, à
Robinson, dans un jardin couvert de neige?
Ou est-ce là tout près, quelqu'un qui ne se doutait pas qu'on l'écoutât?
Ne soyons pas impatients de le savoir puisque le jour n'est pas autrement précédé par l'invisible oiseau.
Mais faisons seulement silence.
Une voix monte, et comme un vent de mars aux bois vieillis porte leur force, elle nous vient sans larmes, souriant plutôt devant la mort.
Qui chantait là quand notre lampe s'est éteinte?
Nul ne le sait.
Mais seul peut entendre le cœur qui ne cherche la possession ni la victoire.

~~~

L'ignorant

*

Plus je vieillis et plus je croîs en ignorance,
plus j'ai vécu, moins je possède et moins je règne.
Tout ce que j'ai, c'est un espace tour à tour
enneigé ou brillant, mais jamais habité.
Où est le donateur, le guide, le gardien ?
Je me tiens dans ma chambre et d'abord je me tais
(le silence entre en serviteur mettre un peu d'ordre),
et j'attends qu'un à un les mensonges s'écartent :
que reste-t-il ? que reste-t-il à ce mourant
qui l'empêche si bien de mourir ?  Quelle force
le fait encor parler entre ses quatre murs ?

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