viernes, 7 de marzo de 2025

rené char / dos poemas









La aldea vertical

*

Como lobos ennoblecidos
Por su desaparición
Acechamos el año del miedo
Y de la liberación.

Lobos nevados
De las lejanas batidas,
De fecha borrada.

Bajo el porvenir que gruñe,
Furtivos, esperamos,
Para afiliarnos,
La amplitud de la altura.

Sabemos que las Cosas ocurren
Repentinamente,
Oscuras o demasiado adornadas.

El dardo que unía los dos paños
Vida contra vida, clamor y monte,
Fulguró.

                                                 Le Nu perdu, 1971

~

¡Hiciste bien en irte Arthur Rimbaud!...

*

¡Hiciste bien en irte Arthur Rimbaud! Tus dieciocho años refractarios
a la amistad, a la malevolencia, a la zoncera de los poetas de París y
al ronroneo de abeja estéril de tu familia ardenense un poco loca:
hiciste bien en dispersarlos al viento de los confines, en arrojarlos
al cuchillo de su precoz guillotina. Tuviste razón al abandonar el
bulevar de los perezosos, las fondas de los mea-liras, a cambio del
infierno de las bestias, del comercio de los astutos y del saludo de
los simples.
¡Ese impulso absurdo del cuerpo y del alma, esa bala de cañón que
alcanza su blanco haciéndolo estallar, sí, es eso la vida de un
hombre! No se puede, al salir de la infancia, indefinidamente
estrangular al prójimo. Aunque los volcanes poco cambien de lugar, su
lava recorre el gran vacío del mundo y le lleva virtudes que cantan en
sus heridas.
¡Hiciste bien en irte Arthur Rimbaud! Somos unos pocos en creer sin
pruebas que la felicidad es posible junto a vos.

***
René Char (L'Isle-sur-Sorgue, 1907-París, 1988)
Versiones de Raúl Gustavo Aguirre y Magdalena Cámpora respectivamente

/

Le village vertical

*

Tels des loups ennoblis 
Par leur disparition, 
Nous guettons l'an de crainte 
Et de libération.

Les loups enneigés 
Des lointaines battues, 
A la date effacée.

Sous l'avenir qui gronde, 
Furtifs, nous attendons, 
Pour nous affilier, 
L'amplitude d'amont.

Nous savons que les Choses arrivent
Soudainement,
Sombres ou trop ornées.

Le dard qui liait les deux draps 
Vie contre vie, clameur et mont, 
Fulgura.

~

Tu as bien fait de partir Arthur Rimbaud! Tes dix-huit ans
réfractaires à l’amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de
Paris ainsi qu’au ronronnement d’abeille stérile de ta famille
ardennaise un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller aux vents
du large, de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine. Tu
as eu raison d’abandonner le boulevard des paresseux, les estaminets
des pisse-lyres, pour l’enfer des bêtes, pour le commerce des rusés et
le bonjour des simples.
Cet élan absurde du corps et de l’âme, ce boulet de canon qui atteint
sa cible en la faisant éclater, oui, c’est bien là la vie d’un homme !
On ne peut pas, au sortir de l’enfance, indéfiniment étrangler son
prochain. Si les volcans changent peu de place, leur lave parcourt le
grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses
plaies.
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Nous sommes quelques-uns à
croire sans preuve le bonheur possible avec toi.

No hay comentarios.:

Publicar un comentario