domingo, 14 de julio de 2024

alphonse de lamartine / el valle









El corazón hastiado, hasta de la esperanza,
no deseará ya importunar al destino;
prestadme solamente, valles de mi infancia,
un día de asilo para esperar la muerte.

Por aquí la estrecha senda del oscuro valle:
colinas en cuyas faldas penden tupidos bosques
que inclinando su enredada sombra sobre mi cabeza,
me cubren completamente de silencio y paz.

Allá, dos arroyos tapados por el denso verdor
trazan serpenteando los contornos del valle;
en un momento mezclan el agua y su murmullo,
no lejos de su fuente pierden su identidad.

Como ellos la fuente de mis días ha fluido,
ha pasado sin ruido, sin nombre y sin retorno:
mas su agua es limpia, y mi alma turbada
no llegó a reflejar las luces de un gran día.

El frescor de sus lechos, la sombra que la corona,
me atan todo el día a las orillas del arroyo;
como un niño mecido por un canto monótono,
el alma se adormece con el murmullo del agua.

Ahí, protegido por un muro de hierbas,
con un horizonte acotado que a mis ojos basta
y sólo en el verdor quiero elegir mis pasos,
sólo oír el agua, ver sólo los cielos.

Harto estoy de ver, sentir, amar en la vida,
vengo a buscar aún vivo la calma del Leteo;
hermoso sitio, sed la orilla del olvido:
desde ahora solo él será la felicidad.

El corazón reposa y el alma está en silencio,
el rumor lejano del mundo expira al llegar,
como en son remoto que la distancia ensordece,
traído por el viento al oído inseguro.

Desde aquí veo la vida, detrás de una nube,
desvanecerse en mí en las sombras del pasado;
sólo quedó el amor: como una gran imagen
pervive al despertar en un borroso sueño.

Alma, repósate, en esta última morada,
como el viajero, el ánimo pleno de esperanza,
descansa antes de cruzar el umbral de la ciudad,
y respira un momento el perfume de la noche.

Como él, limpiemos de polvo los pies;
el hombre nunca volverá por ese camino:
como él, respiremos al final de la carrera
esa calma precursora de la paz eterna.

Tus días, cortos y oscuros como días de otoño,
declinan cual sombra en las faldas de las colinas;
la amistad te defrauda, la piedad te deja,
y solo, bajas por la senda de las tumbas.

Mas la natura está ahí y te invita y te ama;
échate en su seno para ti siempre abierto;
ante tus cambios la naturaleza es la misma,
y el mismo sol se levanta para ti cada día.

De luces y sombras te envuelve todavía:
separa tu amor de los falsos bienes perdidos;
adora aquí el eco adorado por Pitágoras,
con él pon atención a la celeste armonía.

Sigue la luz del cielo, la sombra en la tierra,
en el espacio aéreo vuela con Aquilón,
con los suaves rayos del astro misterioso
deslízate, bosque a través, en la sombra del valle.

Dios, para concebirlo, hizo la inteligencia:
la naturaleza por fin descubre a su autor.
Una voz habla al espíritu en silencio,
¿quién no ha oído esta voz en su corazón?

***
Alphonse de Lamartine (Mâcon, 1790-París, 1869)
Versión de Vicente Bastida

/

Le vallon

*

Mon coeur, lassé de tout, même de l'espérance,
N'ira plus de ses voeux importuner le sort ;
Prêtez-moi seulement, vallon de mon enfance,
Un asile d'un jour pour attendre la mort.

Voici l'étroit sentier de l'obscure vallée :
Du flanc de ces coteaux pendent des bois épais,
Qui, courbant sur mon front leur ombre entremêlée,
Me couvrent tout entier de silence et de paix.

Là, deux ruisseaux cachés sous des ponts de verdure
Tracent en serpentant les contours du vallon ;
Ils mêlent un moment leur onde et leur murmure,
Et non loin de leur source ils se perdent sans nom.

La source de mes jours comme eux s'est écoulée ;
Elle a passé sans bruit, sans nom et sans retour :
Mais leur onde est limpide, et mon âme troublée
N'aura pas réfléchi les clartés d'un beau jour.

La fraîcheur de leurs lits, l'ombre qui les couronne,
M'enchaînent tout le jour sur les bords des ruisseaux,
Comme un enfant bercé par un chant monotone,
Mon âme s'assoupit au murmure des eaux.

Ah ! c'est là qu'entouré d'un rempart de verdure,
D'un horizon borné qui suffit à mes yeux,
J'aime à fixer mes pas, et, seul dans la nature,
A n'entendre que l'onde, à ne voir que les cieux.

J'ai trop vu, trop senti, trop aimé dans ma vie ;
Je viens chercher vivant le calme du Léthé.
Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l'on oublie :
L'oubli seul désormais est ma félicité.

Mon coeur est en repos, mon âme est en silence ;
Le bruit lointain du monde expire en arrivant,
Comme un son éloigné qu'affaiblit la distance,
A l'oreille incertaine apporté par le vent.

D'ici je vois la vie, à travers un nuage,
S'évanouir pour moi dans l'ombre du passé ;
L'amour seul est resté, comme une grande image
Survit seule au réveil dans un songe effacé.

Repose-toi, mon âme, en ce dernier asile,
Ainsi qu'un voyageur qui, le coeur plein d'espoir,
S'assied, avant d'entrer, aux portes de la ville,
Et respire un moment l'air embaumé du soir.

Comme lui, de nos pieds secouons la poussière ;
L'homme par ce chemin ne repasse jamais ;
Comme lui, respirons au bout de la carrière
Ce calme avant-coureur de l'éternelle paix.

Tes jours, sombres et courts comme les jours d'automne,
Déclinent comme l'ombre au penchant des coteaux ;
L'amitié te trahit, la pitié t'abandonne,
Et seule, tu descends le sentier des tombeaux.

Mais la nature est là qui t'invite et qui t'aime ;
Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours
Quand tout change pour toi, la nature est la même,
Et le même soleil se lève sur tes jours.

De lumière et d'ombrage elle t'entoure encore :
Détache ton amour des faux biens que tu perds ;
Adore ici l'écho qu'adorait Pythagore,
Prête avec lui l'oreille aux célestes concerts.

Suis le jour dans le ciel, suis l'ombre sur la terre ;
Dans les plaines de l'air vole avec l'aquilon ;
Avec le doux rayon de l'astre du mystère
Glisse à travers les bois dans l'ombre du vallon.

Dieu, pour le concevoir, a fait l'intelligence :
Sous la nature enfin découvre son auteur !
Une voix à l'esprit parle dans son silence :
Qui n'a pas entendu cette voix dans son coeur ?

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